Vos invités sont là. La cour déborde. Le barbecue est allumé. C'est la fête. Mais voilà que la pluie s'invite et que le party tombe à l'eau. Pourtant, la météo n'annonçait rien de tel. Vous êtes en colère et vous cherchez un coupable? Cessez de vous en prendre au ciel et poursuivez le gars de la météo. Qui sait? Avec un peu de chance, il fera peut-être de la prison! Les cas de météorologues jetés en prison pour avoir manqué leurs prévisions sont rares. Même si cela serait le souhait de plusieurs. Ce qui est en progression par contre, ce sont les menaces et les poursuites contre les présentateurs météo ou les agences gouvernementales chargées des prévisions publiques. Les météorologues ne sont pas les seuls scientifiques à risquer la prison pour leurs pronostics qui passent «à coté». Parlez-en aux 7 sismologues italiens condamnés à 6 ans de prison en 2012 pour ne pas avoir prévu un tremblement de terre. L'affaire avait divisé la communauté scientifique. Il est impossible de prévoir un tremblement de terre. En fait, ce n'était pas pour leur incapacité à prévoir le phénomène qu'ils ont été accusés, mais pour leur imprudence. Malgré une hausse d'activités sismiques dans la région, un signe laissant craindre le pire, les scientifiques en charge avaient balayé de la main tous risques possibles, en conseillant aux habitants du coin de «boire un verre de vin pour se détendre». Quand la secousse de 7,2 sur l'échelle de Richter s'est produite au petit matin du 6 avril 2009, aucune bouteille de vin n'a pu se tenir debout et résister. Le séisme avait fait 308 victimes en détruisant la ville de L'Aquila, dans la région des Abruzzes. L'histoire d'un Monsieur Météo de la rive-sud de Montréal poursuivi en justice pour ses prévisions qui n'ont pas plu à un promoteur de course automobile a fait la manchette récemment. L'affaire peut faire sourire, mais elle traduit une réalité qui prend de l'ampleur. Au Canada, les poursuites judiciaires au sujet de la météo portent surtout sur des cas de clients d'agences de voyages qui réclament des compensations pour des vacances gâchées par la pluie. Lorsque des poursuites sont intentées contre le Service météorologique du Canada ou le National Weather Service aux États-Unis, une doctrine légale entre en jeu. On l'appelle «l'immunité souveraine». En d'autres mots, «la souveraine ne peut pas mal faire» («the queen can do no wrong»). Ce principe signifie que le gouvernement ne peut pas être poursuivi sans son consentement. On peut actionner en cour le gouvernement dans plusieurs domaines. On le voit tous les jours. Mais en ce qui concerne les prévisions et bulletins météorologiques émis par la Reine, bonne chance. Autant aux États-Unis qu'au Canada, les cours de justice ont toujours refusé d'imposer aux gouvernements la pleine imputabilité pour les prévisions ratées de leurs agences météorologiques. Pourquoi? Parce que cette imputabilité, compte tenu de la science, imposerait un fardeau illimité et intolérable aux finances publiques. La seule possibilité de gagner est de démontrer qu'il y a eu négligence grave. Cette doctrine légale d'immunité ne s'applique qu'aux poursuites contre le gouvernement. Or, de plus en plus de firmes privées en météo offrent à leurs clients des prévisions taillées sur mesure pour leurs besoins. Avec la progression de ce secteur d'activités commerciales, les cours de justice risquent fort de se prononcer dans le futur sur des enjeux légaux importants qui auront de sérieuses implications sur l'imputabilité des prévisions météo vendues par des individus ou des compagnies. D'ailleurs, la jurisprudence est déjà en train de tracer la voie. On l'a vue avec la décision rendue dans le cas Brown contre The Weather Channel, aux États-Unis. En 1977, un résident de Floride parti en balade sur son embarcation croise une tempête soudaine et se noie. Il avait écouté, la veille, The Weather Channel. Aucun avertissement ou signe de mauvais temps pour le lendemain n'avait été mentionné, selon la succession de la victime. Poursuivi pour 10 millions de dollars, The Weather Channel avait gagné sa cause : la cour avait rejeté la poursuite. Le juge avait statué que les médias de communication n'ont pas d'obligations légales ou d'ententes contractuelles envers les membres du public qui écoutent leur programmation. Références : «Legal liabilities for private forecasters», Roberta Klein, Center for Science and Technology Policy Research, Université du Colorado à Boulder/Weatherwise. 2003.
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À la Banque d'Angleterre de Londres, à l'époque où les ordinateurs n'existaient pas, il y avait une règle non écrite. Tous les registres de comptes importants devaient être gardés sous clef les jours de brouillard. La direction avait découvert - Oh my god! - que les caissiers faisaient plus d'erreurs ces jours-là. Ça peut paraitre évident voire cliché, mais la météo influence beaucoup le niveau de vigilance des gens. Par exemple, des recherches militaires ont découvert que les températures froides retardent le temps avant de s'habituer à la noirceur. Voilà pourquoi il se produit plus d'accidents d'automobiles en hiver dans les heures qui suivent le coucher du soleil. Un incident public a fait la manchette au Québec en mars 2015 en révélant d'une façon cocasse, mais fâcheuse, comment les conditions météo peuvent affecter le degré de vigilance des gardiens de prison. Lundi le 23 mars, le fils de Maurice «Mom» Boucher est relâché par erreur du pénitencier de Bordeaux. Selon les comptes rendus des évènements rapportés par les médias, ce dernier a réussi à passer sans problèmes plusieurs points de sécurité avant d'être libéré. Une suite d'erreurs, jugées «inadmissibles» par le ministère de la Santé publique, a été à l'origine de la gaffe. Un cas patent de manque d'attention et de vigilance. Or, la météo du lundi matin - un ciel bleu limpide et ensoleillé avec des vents légers - induisait chez les gens un niveau de vigilance moins élevé. Pourquoi? Comment? Par l'action du soleil sur le métabolisme. Après des jours de mauvais temps, le soleil revenait à Montréal ce matin-là. Or, l'un des premiers effets du beau temps est relié à la mémoire courte. Des expériences ont démontré que les gens ont une attention réduite par beau temps. On a moins de concentration, moins de focus. Selon un bon nombre d'études, les journées de mauvais temps mine le moral des gens. Or, des recherches en psychologie ont démontré que les personnes de mauvais poil sont plus sceptiques et plus prudentes. À l'inverse, les gens de bonne humeur sont moins soucieux et préoccupés, moins sur leurs gardes et donc, moins vigilants. C'est ce que le beau temps provoque. Ces conclusions peuvent sembler banales, mais elles sont en réalité très importantes. Les résultats de ces recherches sont exploités dans des domaines d'activités où les erreurs humaines et le manque de vigilance peuvent couter cher en vies humaines. Beaucoup de drames historiques ont été causés par un manque d'attention. Les tragédies de l'Exon-Valdez, de Tchernobyl, et même du Titanic, ont toutes été causées par des erreurs humaines et un manque de vigilance. Les conditions météo qui influencent le plus la vigilance et l'attention? Les baisses de pression, l'humidité et les températures élevées, les nuages bas et les vents forts. Les accidents de la circulation, par exemple, augmentent surtout en fonction de ces paramètres. Références: «Can bad weather improve your memory? An unobtrusive field study of natural mood effects on real-life memory», J. P. Forgas. La saison des feux de végétation a connu un départ canon cette année avec le gigantesque in-cendie de Fort McMurray. Selon le service des incendies de l'Alberta, la lutte contre ce feu tou-jours actif prendra des mois. Au Québec, plus d'une centaine de feux ont déjà nécessité l'intervention de la So-ciété de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) depuis le début de la saison. Ce n'est que le début. Il y a plus de 8 000 feux de forêts au Canada chaque année. Le brasier de Fort McMurray a ceci de particulier qu'il survient à la suite du El Nino le plus puissant jamais observé en 100 ans. Du coup, beaucoup de gens et de médias y ont vu l'empreinte des changements climatiques. Et vous savez quoi? Ils ont raison! Toutes les études sur les répercussions des changements climatiques ont souligné la fragilité des forêts du Canada face au réchauffement planétaire. Le lien entre le changement climatique et l'augmentation des feux de végétation reste peut-être à faire au Canada, mais aux États-Unis, c'est chose faite depuis des années. La fréquence de ces feux a été multipliée par 4 depuis les années 1980. Selon le US Forest Service, les feux de végétation brulent 6 fois plus de territoire qu'avant et durent 5 fois plus longtemps. Un rapport de l'Académie des Sciences prévoit même que pour chaque degré Celsius d'augmentation de la température de l'air, le territoire brulé va augmenter de 650 %! Doit-on y voir le signe que le climat se réchauffe? Absolument, selon les uns. Pas du tout, selon les autres. Bref, le débat est relancé dans les salons pendant que le feu est pris dans la cuisine. Mais il n'y a pas que des sècheresses monstres comme celles affectant l'Alberta et la Californie depuis 2011 que le changement climatique fait pendre au-dessus de nos têtes. Les cendres rejetées dans la haute troposphère par les feux dans l'Ouest retombent souvent sous forme de smog dans les régions et provinces plus à l'est au cours des jours et semaines qui suivent. Un climat plus chaud fournira plus d'énergie aux tempêtes. Les ouragans seront plus nombreux, plus dévastateurs. Et les orages, beaucoup plus forts. Déjà, on remarque depuis quelques années au Québec une augmentation de la foudre, des pluies abondantes et des vents violents. Les micro-rafales et les tornades constituent désormais le risque principal de dommages aux maisons canadiennes. Ce risque est aujourd'hui supérieur à celui lié aux incendies, selon les plus récentes donnés du Bureau d'Assurance du Canada. La peur des orages: une phobie du tonnerre Cette augmentation anticipée des orages et du temps violent risque d'ailleurs d'avoir des conséquences plutôt inattendues, comme une hausse des phobies météo. Un grand nombre d'individus ont une peur bleue des orages. La brontophobie (la peur du tonnerre) est même la phobie la plus répandue dans la population, tout juste après la peur des araignées. Environ 3 % des gens ont peur du tonnerre au point d'en être terrorisé. Grâce aux travaux de l'Institut Mental de Bethsada, au Maryland, on sait que les phobies des orages touchent 4 fois plus les femmes que les hommes, une différence bien documentée partout dans le monde. Le bouleversement climatique risque aussi d'amplifier certains états de détresse psychologique dans le futur. Parmi l'obsession la plus commune traitée en clinique de nos jours: la phobie de vérifier la météo à tout moment. C'est une maladie réelle, similaire aux autres phobies, avec les mêmes symptômes: respiration troublée, insomnies, nausées, mains moites, sentiment de panique. Changement climatique ou pas, la seule méthode efficace pour se soigner de cette "maladie" consiste à déménager dans l'une des deux régions au monde où la météo ne change jamais: dans la Vallée de la Mort au Nevada et... à la Mer Morte. Le mois le plus défavorable pour tomber enceinte serait le mois de mai, selon une étude de l'Université Princeton aux États-Unis menée auprès de 1,2 million d'enfants. Les bébés conçus en mai ont 10 % plus de risques de naître prématurés. Les bébés faits en été, par contre, sont plus gros. Ils pèsent 8 grammes de plus en moyenne. Des montagnes de statistiques et d'observations médicales sur des centaines d'années suggèrent que le mois de naissance joue un rôle fascinant dans la construction d'un individu. Le sujet a d'ailleurs monopolisé l'attention en Angleterre récemment. Une vaste enquête publique sur l'impact du mois de naissance sur les aptitudes des enfants britanniques a soulevé les passions et les débats en 2013. Les résultats de l'enquête «Does when you are born matter?» («Est-ce que le moment de votre naissance est important?») ont démontré que les impacts psychologiques et médicaux à long terme du mois de naissance sont loin d'être négligeables. Des enfants risquent d'avoir recours à de la médicamentation pour traiter leurs problèmes, tandis que d'autres vont adopter des comportements à risque, comme se mettre à fumer ou à fuguer. Si l'idée que le mois où vous êtes nés détermine votre santé future peut faire sourire, certaines évidences statistiques font réfléchir. De nombreuses études soutiennent l'hypothèse que la santé et le caractère d'une personne sont reliés à leur mois de naissance. Ce lien s'explique par les conditions climatiques qui régnaient au moment de l'année où vous êtes nés. Bref, c'est l'empreinte du climat sur votre certificat de naissance. La disponibilité des aliments et leur qualité diffèrent de saison en saison. Les mères qui ont donné naissance à l'automne et au début de l'hiver ont eu accès à une nourriture plus abondante, y compris des fruits et légumes frais durant toute la grossesse. Mais surtout, elles ont pu bénéficier de plus de soleil et de vitamine D, absolument nécessaire au bon développement du fœtus. Dans des pays aux climats tempérés comme le Canada, les conditions idéales pour la conception correspondent au moment de l'année où la température mensuelle se situe à près de 15 °C. Au Québec, les mois de juin, juillet et août se qualifient. En termes de poids à la naissance, l'été est donc la saison parfaite pour concevoir. Les mères qui ont conçu en été gagnent généralement plus de poids pendant leur grossesse et leurs bébés sont plus gros. Même le sexe du bébé à naitre serait conditionné par le climat. En effet, il existe une corrélation étonnante entre le sexe des bébés et la température moyenne un mois avant la conception. Selon des scientifiques allemands de l'Université de Muenster, si vous souhaitez un garçon, attendez après les canicules et les périodes trop chaudes de l'été pour concevoir. Si vous souhaitez une fille, par contre, attentez quelques semaines après du temps très froid. Il parait que le truc est infaillible. On n'a plus les méthodes du thermomètre qu'on avait... Références • Social Sciences, Janet Currie et Hannes Schwandt, «Within-mother analysis of seasonal patterns in health at birth», PNAS 2013 110 (30) 12265-12270; 8 juillet, 2013. Vous voulez faire fortune à la bourse? Facile. Attendez qu'il fasse beau et achetez n'importe quel titre. Vous êtes assuré de toucher des redevances. L'argent ne fait peut-être pas le bonheur, mais il aime le beau temps. Les transactions effectuées les jours ensoleillés sur le parquet de la bourse entrainent généralement une hausse des recettes boursières, comparativement à des jours nuageux. La corrélation découverte entre le Soleil et les résultats des transactions financières porte un nom : la bonne humeur. Celle qui inspire confiance et réduit la peur du risque. Les premières études sur le sujet remontent aux années 1980. Une recherche plus poussée a été réalisée au niveau mondial en 2011. On a vérifié les conditions météo qui régnaient le matin pendant une période de 15 ans dans plus de 26 pays. Les résultats ont été identiques à ceux obtenus 30 ans plus tôt. Chaque fois qu'un titre boursier rapportait davantage de bénéfices, il avait été acheté dans la ville de cette bourse par un matin ensoleillé. Aucun autre élément météorologique, ni le vent, ni la pluie, n'avait autant d'effet sur les bénéfices. Le Soleil influence beaucoup notre seuil de gestion du risque. Les choix et les évaluations que font les gens sont généralement plus positifs et plus optimistes les jours ensoleillés. Les pourboires sont plus gros par beau temps. Parlez-en aux serveuses et aux itinérants en ville. Ces dernières années, des spécialistes en marketing commercial se sont intéressés au rôle de la météo dans le processus de décision des acheteurs de produits de consommation, plus particulièrement les véhicules neufs. On s'est penché sur les facteurs influençant les deux décisions les plus importantes que l'on prend dans la vie : l'achat d'une auto et d'une maison. Des chercheurs en sciences du comportement ont fait des trouvailles en comparant les données de consommation avec la météo du jour. Par exemple, personne n'achète de décapotables quand il fait froid. Par contre, des températures supérieures à la normale font grimper les ventes de 10 %. Le spécialiste en économie et animateur à Radio-Canada, Gérald Filion, aime bien la question de la météo pour illustrer comment les gens sont influencés inconsciemment par des facteurs qui dépassent le cadre strict de l'économie. «Quand il fait très chaud en été et qu'on cherche une voiture, les possibilités sont plus fortes qu'on arrête son choix sur un cabriolet, et qu'en hiver on opte pour une plus grosse cylindrée, plus foncée, plus protectrice.» Or, c'est ce que l'on observe. Les ventes de véhicules 4x4 sont toujours à la hausse durant les deux à trois semaines qui suivent une importante chute de neige. Et quand le soleil brille trop fort, les acheteurs délaissent les voitures aux couleurs foncées. C'est ce qu'on appelle l'économie comportementale, une autre preuve de l'emprise de la météo dans la vie des gens. «On pense qu'on est raisonnable quand on fait ses achats, mais on ne l'est pas vraiment.» Après un hiver long et un début de printemps glacial, le retour du beau temps sera très graduel cette semaine, alors que le mercure se maintiendra toujours sous les normales jusqu'à mardi. Pour faire fortune avec le Soleil ce printemps, faudra attendre... Les seuls qui font de l'argent comme de l'eau par les temps frais qui courent, c'est... Hydro-Québec. Références • School of Management University of Toronto (2005) ; • «L'économie pour les nuls», Sélection du Reader's Digest, mai 2014. |