Le récent échec du Service Météorologique d'Environnement Canada à prévoir la tempête de verglas du 24 janvier qui a frappé Montréal et le sud-ouest du Québec a suscité bien des questionnements sur la performance de cette organisation fédérale. Déjà, en 2008, le Vérificateur Général du Canada avait noté dans son rapport annuel des lacunes au niveau de la vérification des alertes et avertissements météorologiques. Le vérificateur écrivait: "... il n'existe pas de système ou de programme national de vérification." * Fermetures de bureaux et de stations météorologiques, automatisation des prévisions, coupures dans les services et les programmes de mesures de neige et d'observation d'ensoleillement, disparition de la spécificité de la région du Québec dans sa structure organisationnelle (la région du Québec a été engloutie avec la région de l'Ontario), les années Harper ont fait mal au Service Météorologique du Canada, une des plus vielles organisations du gouvernement fédéral. Mis sur pied après une série de naufrages dans les Grands Lacs dans les années 1880, aujourd'hui, le service météo du Canada n'est plus l'organisation prestigieuse qu'elle était. Même le super-ordinateur qui faisait la fierté du Ministère a passé dans la trappe. En 2011, le gouvernement Harper a retiré le super-ordinateur de la responsabilité d'Environnement Canada pour le confier à un nouveau ministère de l'informatique. Désormais, l'utilisation du temps de calcul du super-ordinateur allait être offerte aux autres ministères et agences du gouvernement. On se doute bien que cette nouvelle façon de procéder allait faire des mécontents parmi les météorologues et les chercheurs en science du climat. Ceux-ci avaient un total contrôle du super-ordinateur installé au Centre Météorologique Canadien, à Dorval, depuis les années 70! Avec le meilleur super-ordinateur du monde, les météorologues auraient-ils pu mieux prévoir le verglas? Difficile à dire après les faits. Par contre, il est plus facile de gérer à partir des estrades. Ce qui est certain est que : " Si Environnement Canada avait annoncé plus tôt que du verglas s’amenait vers Montréal, le bordel sur le réseau routier aurait facilement pu être évité", a raconté un expert au Journal de Montréal. La météo est un long fleuve loin d'être tranquille, toujours en évolution, jamais statique, chaque jour en changement. Par ailleurs, les météorologues ne peuvent pas être meilleurs que les outils qu'ils ont. Mais au delà des limites en technologie, il y a les erreurs humaines. Et si, comme on dit, l'erreur est humaine, en météo elle ne pardonne pas. Vous n'aimez pas la météo? Actionnez le météorologue Vos invités sont là. La cour déborde. Le barbecue est allumé. C'est la fête. Mais voilà que la pluie s'invite et que le party tombe à l'eau. Pourtant, la météo n'annonçait rien de tel. Vous êtes en colère et vous cherchez un coupable? Cessez de vous en prendre au ciel et poursuivez le gars ou la fille de la météo. Qui sait? Avec un peu de chance, il fera peut-être de la prison! Les cas de météorologues jetés en prison pour avoir manqué leurs prévisions sont rares. Même si cela serait le souhait de plusieurs. Ce qui est en progression par contre, ce sont les menaces et les poursuites contre les présentateurs météo ou les agences gouvernementales chargées des prévisions publiques. Les météorologues ne sont pas les seuls scientifiques à risquer la prison pour leurs pronostics qui passent «à coté». Parlez-en aux 7 sismologues italiens condamnés à 6 ans de prison en 2012 pour ne pas avoir prévu un tremblement de terre. L'affaire avait divisé la communauté scientifique. Il est impossible de prévoir un tremblement de terre. En fait, ce n'était pas pour leur incapacité à prévoir le phénomène qu'ils ont été accusés, mais pour leur imprudence. Malgré une hausse d'activités sismiques dans la région, un signe laissant craindre le pire, les scientifiques en charge avaient balayé de la main tous risques possibles, en conseillant aux habitants du coin de «boire un verre de vin pour se détendre». Quand la secousse de 7,2 sur l'échelle de Richter s'est produite au petit matin du 6 avril 2009, aucune bouteille de vin n'a pu se tenir debout et résister. Le séisme avait fait 308 victimes en détruisant la ville de L'Aquila, dans la région des Abruzzes. L'histoire d'un Monsieur Météo de la rive-sud de Montréal poursuivi en justice pour ses prévisions qui n'ont pas plu à un promoteur de course automobile a fait la machette récemment. L'affaire peut faire sourire, mais elle traduit une réalité qui prend de l'ampleur. Au Canada, les poursuites judiciaires au sujet de la météo portent surtout sur des cas de clients d'agences de voyages qui réclament des compensations pour des vacances gâchées par la pluie. Lorsque des poursuites sont intentées contre le Service météorologique du Canada ou le National Weather Service aux États-Unis, une doctrine légale entre en jeu. On l'appelle «l'immunité souveraine». En d'autres mots, «la souveraine ne peut pas mal faire» («the queen can do no wrong»). Ce principe signifie que le gouvernement ne peut pas être poursuivi sans son consentement. On peut actionner en cour le gouvernement dans plusieurs domaines. On le voit tous les jours. Mais en ce qui concerne les prévisions et bulletins météorologiques émis par la Reine, bonne chance. Autant aux États-Unis qu'au Canada, les cours de justice ont toujours refusé d'imposer aux gouvernements la pleine imputabilité pour les prévisions ratées de leurs agences météorologiques. Pourquoi? Parce que cette imputabilité, compte tenu de la science, imposerait un fardeau illimité et intolérable aux finances publiques. La seule possibilité de gagner est de démontrer qu'il y a eu négligence grave. Cette doctrine légale d'immunité ne s'applique qu'aux poursuites contre le gouvernement. Or, de plus en plus de firmes privées en météo offrent à leurs clients des prévisions taillées sur mesure pour leurs besoins. Avec la progression de ce secteur d'activités commerciales, les cours de justice risquent fort de se prononcer dans le futur sur des enjeux légaux importants qui auront de sérieuses implications sur l'imputabilité des prévisions météo vendues par des individus ou des compagnies. D'ailleurs, la jurisprudence est déjà en train de tracer la voie. On l'a vue avec la décision rendue dans le cas Brown contre The Weather Channel, aux États-Unis. En 1977, un résident de Floride parti en balade sur son embarcation croise une tempête soudaine et se noie. Il avait écouté, la veille, The Weather Channel. Aucun avertissement ou signe de mauvais temps pour le lendemain n'avait été mentionné, selon la succession de la victime. Poursuivi pour 10 millions de dollars, The Weather Channel avait gagné sa cause : la cour avait rejeté la poursuite. Le juge avait statué que les médias de communication n'ont pas d'obligations légales ou d'ententes contractuelles envers les membres du public qui écoutent leur programmation. Références :
2 Commentaires
Bob l'éponge
1/26/2017 03:27:44 pm
En fait, ce qui est sur, cest que le gouvernement du Canada ne pourra pas poursuivre lindividu qui a rédigé cette article car il est trop peureux pour le signer. Cest bien facile de juger de la performance des météorologues du Service Météorologique dans le cas de la prévision de verglas manquée mais qu'en était il des autres reseaux, meteo media ou le weather chanel pour ne citer que ceux là. Y a t'il quelqu'un qui aurait fait mieux? Comme il est dit si bien la météo nest pas un fleuve tranquille mais plutot un parfait exemple de chaos qui fait qu'en theorie, un battement d'aile d'un papillon en Afrique peut engendre la formation dun ouragan dans le Pacifique. On pourrait tout aussi bien blamer et poursuivre les services de la voirie de ne pas avoir répandu de sel assez rapidement ou a l'extrême tous ceux qui en sortant de chez eux ont vu l'état des routes et qui ont quand même décidé de prendre leur voiture au lieu de chausser des patins comme ont a pu le voir dans plusieur vidéo. L'expert du journal de Montréal, qui est surement de reputation acceptable, n'a pas osé mettre la faute sur les usagers. Par contre, les météorologues, des que les premières observations de précipitations verglacantes ont été rapportées vers 5h30am, ont fait amande honorable et modifié leurs prévisions en emettant un avertissement de pluie verglacante, laissant aux intervenants concernés ou aux utilisateurs tout le temps nécessaire pour prendre des mesures en consequence puisque la journée était encore jeune.
Répondre
G. Brien
1/26/2017 07:58:51 pm
Les services météo que reçoivent la population du gouvernement ne sont pas différents des autres services, santé, éducation, postes, que l'État vous fournis, Bob L'éponge. Vous avez le droit de les critiquer et de juger de leur performance sans risquer de poursuites, voyons! Trop peureux pour signer ?!? Tous les billets de ce blogue sont identifiés par l'auteur. De quoi parlez-vous? De la théorie du chaos (le papillon) à une prévision à court terme de 12 heures, y a une sacrée marge... Voir le signet "à propos" pour plus d'infos sur les références professionnelles de l'auteur de ce blogue.
Répondre
Laisser un réponse. |