
La chaleur occupe une place spéciale dans notre vocabulaire pour décrire nos états d’esprit. Les expressions langagières comme «ça va chauffer», «bouillir de colère», «être brûlé», «pèter le feu», «ni chaud ni froid» sont là pour le démontrer. Dans toutes les langues et les cultures, le «chaud», c’est la vie, le cœur qui bat. La chaleur provoque des changements physiologiques qui se mesurent dans le sang et le métabolisme. Des hormones connues pour exacerber des comportements agressifs et violents sont relâchées dans le corps quand il fait trop chaud.
Au cours de la Première Guerre mondiale, des millions de soldats ont été déployés partout dans le monde pour la première fois dans l’histoire. Sans raison apparente, des hommes hautement entrainés pour des fonctions vitales, comme le télégraphe, devenaient inefficaces dès qu’ils mettaient le pied dans un pays au climat tropical. En étudiant les réactions de ces hommes, les scientifiques de l’armée ont fait alors une trouvaille. Bien que les soldats affectés par la chaleur admettaient se sentir plutôt incommodés, ils ne réalisaient pas être en train de devenir de plus en plus incompétents. Bref, les effets psychologiques de la chaleur ressemblent étrangement à ceux de la fatigue. On reconnait que ça ne va pas bien, mais on se croit capable de travailler quand même. En d’autres mots, lorsque les soldats étaient écrasés par la chaleur et l’humidité, les hommes perdaient leur habileté à penser clairement et à juger de leur travail de façon objective. Le British Journal of Industrial Medecine, dans les années 1920, décrivait cet effet psychologique comme : «une tendance à être satisfait de ses efforts et blâmer les autres ou la machine pour tout ce qui va mal.»
À l’époque des colonies britanniques et françaises, alors que les échanges commerciaux entre les régions tropicales et l’Europe s’accéléraient, les compagnies maritimes qui envoyaient leurs bateaux sous les Tropiques remarquaient des problèmes avec leurs équipages. Il y avait plus d’indiscipline, de mauvaises attitudes, plus d’accidents et de maladies. On croyait que le mal du pays était à l’origine du problème. En réalité, c’était la chaleur.
La mutinerie du Bounty : un coup de chaleur
La célèbre mutinerie du HMS Bounty, un navire britannique qui a fait l’objet de 4 films, 52 livres et d’une pièce de théâtre est un exemple frappant des effets de la chaleur sur les hommes. Le bateau avait été acheté par la Royal Navy pour naviguer jusqu'à Tahiti, embarquer des plantes et les emmener aux Antilles où elles seraient cultivées pour nourrir les esclaves. En 1788, après 10 mois de traversée, le Bounty atteint Tahiti. Pendant cinq mois, l’équipage vit à terre et s’acclimate. Le 4 avril 1789, c’est le voyage de retour. Le bateau met le cap sur le nord. Quelques jours plus tard, la mutinerie éclate à bord. Habitué à la chaleur et à un rythme de vie tropical, l’équipage avait préféré se révolter contre sa Majesté plutôt que se remettre au boulot!